Depuis le début du cinéma il existe 6 formats de pellicules déterminés par leur largeur totale et la surface utile de chaque image, surface qui n’est pas toujours entièrement impressionnée : 8mm (14 mm²) – super 8 (21mm²) – 9,5mm (50mm²) – 16mm (70mm²) – 35mm (390mm²) – 70mm (1070mm²). On parle également du format de l’image projetée sur l’écran, ce format est noté sous la forme n X 1, ce qui signifie que l’image est n fois plus large que haute (1,37 X 1 ou 2,35 X 1 etc.).
Dans la suite de l’exposé nous nous intéresserons uniquement aux formats dits professionnels (35 et 70 mm) et aux formats des images qu’ils permettent de projeter sur l’écran. Cette étude sera chronologique et vous permettra d’en savoir plus avant de réaliser un transfert de films 8mm sur DVD. Pour finir nous nous intéresserons à la manière dont les films sont diffusés à la télévision.
Un seul format
Depuis 1909 le format qui s’est imposé est le film Edison de 35 mm (c’est la même pellicule que celle que l’on utilise dans un appareil photo 24-36, sauf que son défilement au cinéma est vertical). Il permet d’obtenir une image au format 1,33 X 1 (23mm sur 17,2mm). A chaque image correspondent 4 perforations qui assurent l’entraînement mécanique du film dans le projecteur. C’est le format standard muet qui reste inchangé jusqu’en 1927. Donc pendant une vingtaine d’années la situation a été très simple. Elle l’est restée avec l’invention du cinéma parlant en 1927. Sur la pellicule, à côté de l’image, il faut faire place à une piste sonore optique, ce qui réduit la surface disponible (21mm X 17,2) et provoque une modification du format de projection qui devient 1,2 X 1. L’image des premiers films sonores est donc presque carrée. La vitesse de projection est également modifiée puisque l’on passe de 16 à 24 images par seconde. Cela permet d’obtenir un son de meilleure qualité et cela diminue aussi le scintillement de l’image. En 1932, après cinq ans de ce format, on décida de revenir à un format plus proche de celui du cinéma muet en diminuant la hauteur de l’image (21mm X 15,3mm). C’est le standard sonore au format 1,37 X 1 qui a règne sans partage de 1932 à 1953. Donc de 1909 à 1953 on compte trois formats successifs, mais l’un chasse l’autre et pendant trois périodes différentes un seul est utilisé à la fois. Cette universalité a été supprimée par l’arrivée de la télévision !
L’écran large
La fréquentation des cinémas après la Seconde Guerre mondiale décline à cause de la concurrence des » étranges lucarnes « . Le cinéma contre-attaque en 1952 en inventant le Cinérama. C’est la projection côte à côte de trois images. C’est un procédé trop complexe car il faut tourner avec trois caméras et faire des séances avec trois projecteurs. L’idée est vite abandonnée mais pas celle de l’écran large.
How the west was won « A La conquête de l’ouest » (John Ford, Henry Hathaway, George Marshall et Richard Thorpe)est le septième et dernier film à avoir été tourné en Cinerama (chaque plan fut filmé avec trois caméras côte à côte, dans le but d’obtenir une image trois fois plus large; trois projecteurs étaient alors bien sûr nécessaires au moment de la présentation). La pellicule 70 mm (également appelée Super-Cinerama) prit la relève de cette éphémère technique. Quelques autres films tournés en Cinerama : Seven wonders of the world, Search for Paradise, The wonderful world of the brothers Grimm, This is Cinerama, Cinerama Holiday…
En 1953 sort le premier film en CinémaScope, la Tunique. Le principe est simple : lors du tournage l’image est comprimée (anamorphose) par un objectif spécial appelé hypergonar (invention du français Henri Chrétien). A la projection un objectif analogue dilate l’image. Le son est également modifié. Dans les premiers films en CinémaScope la piste sonore optique disparaît. Elle est remplacée par 4 pistes magnétiques, placées de part et d’autre des perforations. Le son à la projection est donc stéréophonique (en réalité tétraphonique avec trois pistes derrière l’écran et une piste d’ambiance dans la salle). L’image sur la pellicule était la plus grande possible (18,15 mm de haut pour une largeur de 23,15mm). Avec l’anamorphose le format de projection obtenu était de 2,55 X 1. Mais ce format n’a pas duré. Les films avec pistes magnétiques étaient plus fragiles et toutes les salles n’avaient pas les moyens de s’équiper pour la stéréophonie (4 têtes de lecture, 4 amplificateurs, etc.). On en revint donc à la piste optique monophonique. La largeur de l’image sur la pellicule a ainsi été réduite à 21,3mm, ce qui sur l’écran donne une image projetée de 2,35 X 1. La stéréophonie ne disparaît pas pour autant puisque l’on tire certaines copies mixtes, avec piste sonore optique et 4 pistes magnétiques pour les salles équipées.
Un autre moyen d’obtenir des images plus larges se révéla trop onéreux et fut rapidement abandonné. La VistaVision. Il consistait à tourner et à projeter des films en 35mm non pas avec un défilement vertical, mais avec un défilement horizontal. L’image sur la pellicule est beaucoup plus grande (18,3 sur 34,7mm) et le format de projection de 1,85 X 1. Mais il fallait changer tous les appareils de projection et la méthode fut délaissée. Tous les films tournés ainsi sont réédités en copies 35mm classiques en format panoramique (voir plus bas).
Le 70mm
Une autre solution consistait à abandonner le format 35mm afin de pouvoir obtenir des images larges avec défilement horizontal et surtout sans anamorphose. Ainsi apparut, en 1955, la Rolls Royce du cinéma, le 70mm qui donne à la projection un format proche du CinémaScope : 2,2 X 1. Le premier film tourné dans ce format fut Oklahoma. La plupart des grandes productions des années 1960-1970 ont été tournées dans ce format de luxe : West Side Story, Spartacus, Le Cid, Ben-Hur. Il fut aussi utilisé, mais plus rarement, en Europe. Les films sont tournés sur des négatifs en 65mm et tirés pour la projection en 70mm. Les images et les perforations (5 par image) sont superposables. Le négatif est un peu moins large car il n’a pas besoin de porter les pistes sonores qui sont au nombre de 6, cinq derrière l’écran et la piste d’ambiance. La qualité de l’image et du son est à ce jour inégalée. Les projecteurs 70mm peuvent également projeter du 35mm. Des salles équipées existent dans toutes les grandes villes (2 à Nancy) mais le 70mm coûte très cher. Il n’y a plus de tournages en 70mm depuis les années 1980 (Blade Runner et Tron sont les derniers). Des copies sont tirées en 70mm de films tournés en 35mm mais en France seules les grandes salles parisiennes en disposent (2 ou 3 copies par film). Une copie 35mm coûte 10000F, une copie 70mm près de 100000F.
A la fin des années 1950 il y avait donc trois formats de projection : – le standard sonore (1,37 X 1) – le Scope (2,35 X 1) – le 70mm (2,2 X 1) Malheureusement un nouveau format en 35mm a été inventé, le » panoramique « , ou plutôt les » panoramiques « .
Les formats panoramiques
L’idée était simple. Se rapprocher le plus possible du format Scope sans anamorphose. Pour cela il suffit de réduire la hauteur de l’image et de l’agrandir davantage à la projection en changeant d’objectif. Trois nouveaux formats de projection sont ainsi apparus avec une perte de qualité puisque la surface de l’image sur la pellicule est réduite :
La plupart des cabines de projection ne sont plus équipées que pour un format panoramique et le Scope. Conséquence : les films Standard sont projetés au cinéma amputés d’une partie de l’image en hauteur, mais ils sont de plus en plus rares. Le format des films standard n’est respecté qu’à la télévision ou dans les rares salles qui disposent d’appareils de projection munis d’au moins trois objectifs différents et des trois fenêtres de projection correspondantes (Standard, Scope et Panoramique). Quant au son précisons que grâce à l’invention du système Dolby, puis des enregistrements numériques, presque tous les films sont aujourd’hui diffusés en stéréophonie optique dans les salles de cinéma équipées. En réalité, grâce à un système de codage, quatre pistes sont restituées, trois derrière l’écran et une dans la salle.
Le mystère Picasso (Henri-Georges Clouzot)
Alors que tout le film est en format standard, seule la dernière bobine est en cinemascope .
A la télévision
Quand un film standard (1,35 X 1) passe à la télévision l’image est en principe entière et le format respecté. Pour tous les autres formats ce n’est pas le cas. D’abord il faut préciser que les films en 70mm ne sont exploités à la télévision qu’en copies 35mm. Les films en format panoramique peuvent être diffusés avec l’image originale en entier. Dans ce cas, sur l’écran de télévision, apparaissent deux bandes noires en haut et en bas de l’image. La largeur de ces bandes dépend bien sur du format (1,65 – 1,75 ou 1,85). Il est possible de diffuser les films sans ces bandes noires, en agrandissant l’image. Le format d’origine n’est alors pas respecté et l’image cadrée par le réalisateur est coupée à gauche et à droite. C’est dans le cas du CinémaScope que l’on atteint des situations absurdes. Il est possible de respecter le format d’origine (2,35 X 1), mais les bandes noires au-dessus et au-dessous sont très larges. L’avantage c’est que l’image diffusée est celle voulue par le réalisateur; Ce choix de diffusion, qui respecte l’oeuvre au maximum, n’est pas le plus répandu, loin de là. En France seule Canal+ et les chaînes spécialisées dans le cinéma l’ont fait. Les autres préfèrent couper l’image d’origine à gauche et à droite en l’agrandissant pour diminuer la taille des bandes noires. Le comble de la trahison est atteint quand on diffuse un film en Scope (2,35 X 1) en plein écran de télévision (1,35 X 1). Pour pouvoir le faire il faut amputer l’image de près de 40%. Cela s’obtient par un procédé que l’on appelle le » Pan-Scan « . En fonction de l’action, des dialogues, on montre la gauche, le centre ou la droite de l’image. On effectue même des panoramiques (mouvements d’appareils horizontaux) en laboratoire afin de centrer l’image sur deux interlocuteurs qui parlent à tour de rôle alors qu’en Scope on les voit tous les deux en plan fixe. Le format de télévision 16/9èmes ne résout pas le problème puisqu’il correspond au format cinématographique 1,75 X 1 et non pas au CinémaScope contrairement à ce que la publicité mensongère pour ces nouvelles télévisions laisse croire.
Eléments de bibliographie
Michel WYN, Le cinéma et ses techniques, E.T.E., 1976.
Jean Pierre FROUARD, Copies non conformes, in ECRAN 76 du 15 janvier 1976. (Les images sont reproduites de cet article).
Ceram, C.W.: Archeologie du Cinema (1966)
John Belton, Widescreen Cinéma, Harvard University Press, 1992 (étude théorique mettant l’accent sur les implications idéologiques et sociologiques de l’écran large, dans une perspective voisine de celle de chercheurs comme Noël Burch).
Collins, Douglas: The story of Kodak (1990)
Dery, Michel: Le format idéal (article)
R. M. Hayes, 3-D Movies, A History and Filmography of Stéreoscopic Cinema, Mc Farland, 1989.
Jenkins, R.V.: Technology and the American Photographic Industry 1839 to 1925
Lieshout, Henry van: Cine film formats (« Sixteen Frames » Spring ’90)
Matthews, G.E. and Tarkington, R.G.: Early history of Amateur Motion Picture Film (article March 1955 Journal SMPTE)
McKee, Gerald: Film Collecting (1978)
A Pot-pourri of film widths and sprocket holes,
Milestone Movie Cameras (Articles in American Cinematographer, Jan. 1969).
Robert E. Carr et R. M. Hayes, Wide Screen Movies, A History and Filmography of Wide Gauge Filmmaking, Mc Farland, 1988
(très bon panorama de tous les types d’écrans larges, notamment ceux utilisés dans les années soixante -Techniscope, Franscope…- et filmographie très fournie).
Theisen, Earl: The history of nitrocellulose as a film base. (Article March 1933 Journal SMPE vol 20)
Académie Nancy-Metz